Quelle responsabilité pour celui qui offre un accès Wifi gratuit ?
Il est de plus en plus fréquent que des hôtels, des magasins, des restaurants... offrent un accès à internet à leurs clients par le biais d'un réseau Wifi ouvert, parfois sans mot de passe. Lorsqu'un utilisateur profite de cet accès libre et gratuit pour télécharger illégalement des oeuvres protégées par le droit d'auteur, quelle peut être la responsabilité de l'établissement fournisseur d'accès ?
C'est la très intéressante question qui était posée à la Cour de Justice de l'Union européenne, plus haute juridiction de l'Union européenne ("CJUE"), dans une affaire opposant Sony Music Entertainment Germany à l'exploitant d'un magasin qui avait offert un accès à internet à ses clients, permettant ainsi à un utilisateur de télécharger illégalement des oeuvres musicales du catalogue de cette major.
Le Tribunal de Munich qui était saisi de l'affaire a souhaité demander à la CJUE si la directive "Commerce électronique" du 8 juin 2000, texte fondateur sur la responsabilité des prestataires techniques, pouvait permettre d'engager la responsabilité de l'établissement.
Par un arrêt du 15 septembre 2016, la CJUE a considéré que la responsabilité du prestataire qui offre un accès à internet à ses clients ne peut pas voir sa responsabilité engagée dès lors qu'il se contente de permettre le transport des données, sous trois conditions : le prestataire ne doit pas être à l'origine de la transmission d'un contenu illicite ; le prestataire ne doit pas sélectionner le destinataire de la transmission et il ne doit pas non plus ni sélectionner ni modifier les informations transmises.
Lorsque tel est le cas, alors le fournisseur d'accès ne joue effectivement que le rôle de prestataire technique sans intervention ni sur le contenu, ni sur les utilisateurs, de telle sorte que les activités des utilisateurs ne relèvent pas de sa responsabilité.
Il faut toutefois rappeler qu'en France, il existe un régime spécifique de responsabilité des titulaires d'un abonnement à internet qui ne sécurisent pas leur accès Wifi. Ce texte, issu de la loi HADOPI, est désormais intégré à l'article L. 336-3 du Code de la propriété intellectuelle, dispose que :
"La personne titulaire de l'accès à des services de communication au public en ligne a l'obligation de veiller à ce que cet accès ne fasse pas l'objet d'une utilisation à des fins de reproduction, de représentation, de mise à disposition ou de communication au public d'oeuvres ou d'objets protégés par un droit d'auteur ou par un droit voisin sans autorisation des titulaires des droits (...)".
En vertu de ce texte, celui qui ne sécurise pas son accès à internet peut donc voir sa responsabilité engagée en cas de téléchargement illégal et une amende pour "négligence caractérisée" peut être appliquée.
Ce texte légal est-il alors compatible avec le principe énoncé par la CJUE dans l'arrêt Sony Music ? Il apparaît que oui, car la Cour a pris la peine de préciser dans sa décision que cette exclusion de responsabilité n'empêchait pas que le titulaire d'un abonnement à internet se voie enjoindre de sécuriser son accès, ce dans un objectif de conciliation des droits en présence : droits de la propriété intellectuelle, droit à l'information du public, liberté d'entreprendre des fournisseurs d'accès.
En d'autres termes, pensez à mettre en place un mot de passe pour vos accès Wifi...