Un litige au Japon entre deux sociétés françaises peut être valablement porté devant les juridictions parisiennes
Le Tribunal de commerce puis la Cour d’appel de Paris ont eu à trancher un dossier inédit, opposant deux sociétés françaises spécialisées dans les produits de maroquinerie, Goyard d’une part et Fauré Le Page d’autre part, pour des faits ayant eu lieu au… Japon.
Ces deux sociétés disposaient chacune d’un stand au même étage d’un grand magasin d’Osaka au Japon. Fauré Le Page a toutefois vu son stand relégué au rez-de-chaussée du magasin et y a vu la conséquence d’une manoeuvre de son concurrent, lequel aurait menacé l’exploitant du magasin de mettre un terme à leur partenariat s’il ne bénéficiait pas d’une exclusivité au quatrième étage.
Fauré Le Page a alors assigné Goyard devant le Tribunal de commerce de… Paris, en invoquant des actes de concurrence déloyale et de dénigrement. Evidemment, l’incompétence des juridictions parisiennes et de la loi française a été soulevée en défense, mais en vain.
En effet, tant le Tribunal de commerce que la Cour d’appel ont retenu à la fois la compétence des juridictions françaises et l’application de la loi nationale, même s’agissant d’un litige de nature délictuelle ayant pris naissance au Japon.
Sur le plan de la compétence juridictionnelle, l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 10 mai 2017 rappelle que le demandeur à l’action bénéficie d’une option de compétence et qu’il peut valablement saisir, par principe, le tribunal du ressort du domicile du défendeur (article 42 du Code de procédure civile) ou, s’il le souhaite, le tribunal du ressort du lieu du délit (article 46 du même Code). En l’occurrence, Fauré Le Page pouvait donc parfaitement choisir de porter le litige devant les juridictions parisiennes, lieu du siège social de la défenderesse.
Sur le plan de la loi applicable, les juges se sont référés au Règlement « Rome II » et ont rappelé qu’en matière délictuelle, lorsque la personne dont la responsabilité est invoquée et la personne lésée ont leur résidence habituelle dans le même pays au moment de la survenance du dommage, la loi de ce pays s'applique. La loi française était donc applicable.
Le Tribunal de commerce puis la Cour d’appel de Paris ont ainsi, de manière originale, eu à traiter un litige dont les faits se sont déroulés à plusieurs milliers de kilomètres !
Et, sur le fond, pour l’anecdote, les actes de concurrence déloyale et de dénigrement ont bel et bien été retenus, Fauré Le Page ayant disposé de copie de courriers échangés entre Goyard et l’exploitant du grand magasin japonais, dont il résultait clairement des menaces de résiliation du partenariat si l’agencement du stand n’était pas conforme aux souhaits du maroquinier.