La Cour de cassation plus souple sur l'appréciation du préjudice en matière de parasitisme
On le sait, la preuve du préjudice est souvent le parent pauvre de l'action en contrefaçon, en concurrence déloyale ou en parasitisme. S'il est parfois possible de démontrer que le chiffre d'affaires d'une entreprise a baissé en raison des agissements d'un tiers peu respectueux des règles d'une concurrence saine, il est souvent difficile, voire impossible, de rapporter la preuve de ventes perdues ou encore de l'atteinte à des actifs. Ce qui n’empêche pas les plaideurs de saisir le juge.
C'est la raison pour laquelle la jurisprudence se révèle dans certains cas assez libérale, en accordant des dommages et intérêts au demandeur alors même que celui-ci ne dispose guère d'éléments à faire valoir à l'appui de sa demande d'indemnisation. La Cour de cassation a déjà jugé que les actes de concurrence déloyale supposaient nécessairement l'existence d'un préjudice, qui fait alors l'objet d'une indemnisation forfaitaire.
La même solution vient d'être énoncée s'agissant d'actes de parasitisme, par un arrêt de la Chambre commerciale du 17 mars 2021. Dans cette affaire opposant deux concurrents spécialisés dans la vente de matériels de saunas d'extérieur, il était reproché la reprise de descriptifs techniques et d'avis, autant d'éléments a priori non protégeables par le droit d'auteur mais pouvant éventuellement constituer un actif sur le plan commercial, dont la reprise engage la responsabilité de son auteur.
En l'espèce, la Cour d'appel de Versailles avait rejeté la demande au titre de la concurrence déloyale au motif que le plaignant ne rapportait pas la preuve d'un préjudice et qu'en tout état de cause les actes reprochés n'auraient duré qu'un temps limité. Cette décision a fait l'objet d'une cassation.
Selon l'arrêt, "le parasitisme économique consistant à s'immiscer dans le sillage d'autrui afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire, il s'infère nécessairement un préjudice, fût-il seulement moral, de tels actes, mêmes limités dans le temps".
La solution est intéressante, pour plusieurs raisons. Sur un plan formel, on note un "rafraîchissement" de la formule célèbre, "sans bourse délier", qui devient désormais "sans rien dépenser". Les juristes poètes ou simplement amateurs de jolies formules surannées en sont pour leurs frais.
Surtout, sur le fond, la Cour de cassation opère un glissement entre la concurrence déloyale (invoquée) et le parasitisme économique, substituant l'un à l'autre. Certaines décisions avaient pu faire preuve de davantage de rigueur en refusant de condamner pour concurrence déloyale dès lors que les faits relevaient en réalité du parasitisme (sic).
Il semble ici que la jurisprudence s'assouplisse pour faciliter le travail du demandeur, victime d'agissements contraires à la loyauté.
On notera enfin, sur un autre point, que la Cour estime que constitue un acte de concurrence déloyale le non respect d'une règlementation dans l'exercice d'une activité commerciale, en l'occurrence la reprise d'actifs en violation des règles applicables en matière de procédures collectives.