Une publicité comparative n'est pas nécessairement illicite, même si elle repose sur des informations fausses.
On a coutume de dire que la publicité comparative, expressément autorisée par la loi, est à manier avec prudence tant le risque qu’elle dégénère en concurrence déloyale est grand.
En effet, les dispositions du Code de la consommation, en particulier l’article L. 121-8, ne permettent de procéder à une comparaison qu’à propos de biens ou de services répondant aux mêmes besoins, sur la base de critères objectifs et à conditions que la publicité ne soit pas trompeuse ni de nature à induire en erreur.
C’est donc essentiellement sur la base du prix que la comparaison est effectuée en publicité. Et la grande distribution s’en donne à coeur joie, la jurisprudence « Qui est le moins cher » en étant la parfaite illustration (v. not. Cass. com., 19 janvier 2010, n° n° 08-19.814 et les nombreux arrêts ultérieurs).
L’arrêt rendu par la Cour d’appel de Caen le 22 juillet 2021 vient rappeler que, oui, la publicité comparative est possible, alors même qu’elle repose sur des informations qui ne sont pas totalement exactes.
L’affaire opposait un magasin Carrefour à deux magasins Leclerc. En l’espèce, Carrefour avait fait procéder à un relevé des prix de plus de 200 produits chez Leclerc par un prestataire indépendant et en avait conclu qu’il serait moins cher, ce qui lui avait servi de base à une campagne publicitaire dont la signature était : « Mêmes produits. Mêmes départements. Ah tiens... Pas les mêmes prix » (sic).
L’un des deux magasins Leclerc dont les prix avaient été relevés s’est offusqué de cette campagne et a engagé une procédure pour concurrence déloyale et dénigrement. En l’occurrence, le magasin en cause avait fait dresser un constat d’huissier attestant que, pour 45 produits vérifiés par l’huissier, le prix relevé par le prestataire de Carrefour aurait été erronés et qu’en réalité les prix pratiqués par Leclerc auraient été moins élevés.
A cet égard, l’huissier avait vérifié les prix en caisse et non en rayon, ce que critiquait vainement Carrefour, la Cour n’ayant rien trouvé à redire à cette méthode. Il convient de reconnaître sur ce point que les prix varient presque quotidiennement et que seul le logiciel de caisse, doté d’un historique, était en mesure de retrouver les prix pratiqués le jour du relevé par le prestataire de Carrefour.
Compte tenu du constat d’huissier, la Cour a estimé que la publicité de Carrefour reposait « pour partie » sur des informations fausses. Cependant, cela n’a pas été suffisant aux yeux des juges pour estimer qu’elle aurait été illégale. En effet, le faible nombre de prix vérifiés par l’huissier (45 sur plus de 200) ne permettait pas à Leclerc de démontrer que Carrefour n’était pas le moins cher.
Selon l’arrêt, « la publicité comparative repose sur 45 prix erronés sur les 227 cités par la publicité. Cette proportion conduit au vu du calcul non utilement contredit établi par l'appelante à ce que les prix du caddie de Leclerc de Caen reste 13% plus cher que celui du caddie de Carrefour d'Hérouville Saint Clair » et non 15,9 % comme indiqué dans la publicité.
Il en résulte que la publicité, même reposant sur des informations partiellement erronées, n’a pas pu altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur, qui n’a donc pas pu être trompé.
L’arrêt, qui infirme la solution rendue en première instance, est donc intéressant. Le fait que la publicité comparative repose en partie sur des informations erronées ne suffit pas à lui donner un caractère illicite. C'est bien l'effet global sur le comportement économique du consommateur qui doit être analysé. Et l’on s’interroge donc sur les raisons qui ont conduit l’huissier à ne vérifier les prix que de 45 produits sur les 227 au total…
Voici peut-être une décision qui dynamisera la publicité comparative au-delà des questions de prix dans la grande distribution, étant précisé que le grief de dénigrement a été lui aussi rejeté par la Cour.