Des éclairages de monuments peuvent être protégés par le droit d'auteur.
La notion d'oeuvre de l'esprit n'est pas définie par le Code de la propriété intellectuelle et la liste des oeuvres qui figure à l'article L. 112-2 n'est pas limitative, comme le texte l'indique bien : "sont considérés notamment comme des oeuvres de l'esprit au sens du présent code...".
Dans ces conditions, il revient à la jurisprudence la tâche de déterminer si une création peut constituer une oeuvre protégeable par le droit de la propriété intellectuelle. C'est ce que vient de faire la Cour d'appel de Lyon dans un arrêt du 16 septembre 2021 concernant des éclairages de monuments.
La solution n'est pas nouvelle, puisqu'il est établi qu'une "création lumière" peut faire l'objet d'une protection par le droit d'auteur. Il convient ainsi de rappeler que l'éclairage de la Tour Eiffel à Paris, qui date de 1985, bénéficie d'une protection par la propriété intellectuelle et qu'il n'est pas librement reproductible, même si le monument, lui, est bel et bien dans le domaine public depuis 1993.
Cette affaire jugée à Lyon opposait deux agences de création lumière, dont l'une avait été fondée par un ancien salarié de la première et à laquelle il était reproché d'utiliser sur son site internet des références créées dans le cadre de leur collaboration. L'action reposait donc sur un grief de contrefaçon, ainsi que sur de prétendus actes de concurrence déloyale.
L'arrêt de la Cour d'appel de Lyon rappelle que "des mises en lumière de bâtiments et d'espaces publics" peuvent faire l'objet d'une protection par le droit d'auteur, étant précisé qu'il n'y a pas lieu, selon la décision, de distinguer le dossier de présentation remis au maître de l'ouvrage de la réalisation matérielle en tant que telle, qui forment un "tout indissociable" ne pouvant être scindé, y compris en présence de certains "ajustements techniques".
Il en résulte que l'absence de participation du créateur à la mise en oeuvre technique n'est pas, selon la Cour, de nature à le priver de droits d'auteur sur les mises en lumière.
La Cour a dû analyser chacune des six oeuvres revendiquées (Etang de Berre, Dakar, Orléans…) afin de déterminer s'il s'agissait d'une création personnelle, d'une oeuvre collective ou d'une oeuvre de collaboration. Pour chacune d'elle, la Cour a étudié les échanges de courriers électroniques entre les parties et a pu en conclure qui avait assuré la direction des travaux intellectuels et matériels.
Comme dans une célèbre affaire opposant Van Cleef & Arpels à l'un de ses salariés, les juges ont déterminé si la personne cause avait travaillé sous des indications précises ou en indépendance. Dans certains cas, ils ont considéré qu'il n'avait été qu'un "assistant" et qu'en l'absence d'autonomie, l'oeuvre créée devait appartenir à son ancienne agence.
Dans d'autres cas, à rebours, il a été estimé que l'ancien salarié avait conceptualisé seul une mise en lumière et créé le dossier de présentation, sans apport de ses collègues. Dès lors, lui seul devait être considéré comme auteur de la création.
Au final, il a été jugé qu'un seul projet avait fait l'objet d'actes de contrefaçon. Les dommages et intérêts se sont élevés à la somme de... 2.000 euros au titre du préjudice patrimonial et 2.000 euros au titre de l'atteinte au droit moral. Des sommes particulièrement modestes qui font relativiser l'intérêt pratique d'une telle procédure.
Par ailleurs, le grief tiré de la concurrence déloyale a été rejeté en l'absence de "faits distincts" des actes de contrefaçon et de pratique commerciale trompeuse.