Rejet de la demande de communication d’éléments contenant des données personnelles d’un salarié
La Cour d’appel de Paris a rendu le 12 mai dernier un arrêt intéressant dans le cadre d’une affaire opposant une ancienne salariée à son ancien employeur, à propos de documents contenant des données à caractère personnel.
Depuis quelques mois fleurissent les demandes de salariés ou futurs ex-salariés vis-à-vis d’employeurs, tendant à la production forcée de documents contenant des données à caractère personnel les concernant. C’est en effet sur la base du droit d’accès énoncé par le Règlement général européen sur la protection des données (RGPD) que certains plaideurs réclament des éléments susceptibles de leur permettre d’alimenter leurs demandes devant le Conseil de prud’hommes, par exemple dans le but de démontrer la réalisation d’heures supplémentaires non payées.
D’aucuns n’hésitent pas, par exemple, à solliciter la production de tous les e-mails dans lesquels ils sont cités. La CNIL s’est déjà prononcée sur ce sujet par une fiche du 9 mai 2019 intitulée « L’accès à son dossier professionnel », par laquelle l’autorité confirme qu’un salarié peut bien réclamer à son employeur la production d’informations le concernant. Il convient toutefois de préciser, selon un arrêt du Conseil d'État du 15 octobre 2015, que le droit d'accès ne peut pas avoir pour objet d'imposer la communication de documents mais uniquement de données.
Dans l’affaire en question, une ex-salariée réclamait une multitude d’informations, en l’occurrence l’intégralité de son dossier personnel. L’employeur avait fourni spontanément certains éléments, comme le dossier de candidature d’embauche, le contrat de travail, l’attestation de remise du livret d’accueil, la fiche d’aptitude du service de santé, etc.
Toutefois, la salariée demandait davantage encore, en particulier l’intégralité de sa messagerie électronique professionnelle, ce que l’employeur s’était refusé à faire. Elle avait donc formé une demande de production forcée au visa de l’article 145 du Code de procédure civile (instruction in futurum), mais s’était heurtée au refus du juge prud’homal.
En appel, la décision de rejet est confirmée. La Cour d’appel retient en effet que l'employeur, qui voit peser sur lui l’obligation de fournir certains éléments, avait déjà communiqué un certain nombre d'informations :
« il doit être retenu que les pièces communiquées par l'employeur s'agissant des entretiens d'évaluation mais surtout des relevés de pointage sont, à l'évidence, des pièces susceptibles de lui permettre, à tout le moins, d'étayer sa demande au titre des heures supplémentaires, étant rappelé qu'en la matière, il appartient à l'employeur de fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. »
En revanche, s’agissant de la messagerie électronique, les juges retiennent que l’intimé démontrait se trouver dans l'incapacité matérielle de fournir les copies des e-mails, lesquels étaient détruits au terme d'un certain délai en vertu d'une politique mise en place par l'entreprise :
« il vient d'être considéré que l'employeur est dans l'impossibilité de communiquer la boîte mail de l'intéressée, celle-ci ayant été détruite. »
Cet arrêt n'invalide donc pas la demande de production, mais tient compte de ce que l'employeur ne pouvait matériellement pas déférer à la demande.
L’obligation de l’employeur de fournir certaines informations nominatives doit donc être conciliée avec tout éventuel système de purge des e-mails au terme d’un certain délai, ce dont les salariés doivent être informés :
« il est justifié par l'employeur que le groupe a mis en place une politique stricte en matière de protection des données personnelles alors que Madame L. avait parfaitement connaissance de ses engagements dont elle avait reçu copie ».
A bon entendeur…