Un éditeur contraint de fournir le code source de son logiciel à un client à des fins de maintenance

La Cour d’appel de Douai vient de rendre une décision intéressante en ce qui concerne les droits d’un client utilisateur d’un logiciel fourni par un tiers. En l’espèce, une société avait fait l’acquisition d’un logiciel ERP destiné à gérer ses activités, en replacement d’une solution ancienne qui s’est révélée, au fil du temps, inadaptée et peu performante.

Le nouveau logiciel a été acquis moyennant un prix forfaitaire. Des difficultés sont apparues au moment de son intégration au sein du système informatique du client, ce dernier reprochant à l’éditeur du logiciel des dysfonctionnements et des retards. En outre, le coût de la maintenance applicative s’est révélé trop important et le client n’a pas souhaité confier cette tâche à l’éditeur.

Le client a donc exprimé le souhait d’obtenir une copie du code source du logiciel afin de faire réaliser sa maintenance par une société tierce, ce à quoi la société éditrice du programme s’est opposée, en invoquant le fait que le logiciel s’utilisait sans son code source et que ce dernier ne pouvait pas être transmis aux seuls utilisateurs, en l’absence de droit de propriété sur le programme cédé au client, qui ne détenait qu’une licence d’utilisation.

La Cour d’appel a néanmoins donné gain de cause au client en s’appuyant sur les dispositions du Code civil relatives à l’interprétation des conventions, ainsi que sur les dispositions du Code de la propriété intellectuelle relatives aux droits des utilisateurs des logiciels, en particulier l’article L. 122-6-1.

Selon l’arrêt du 7 avril 2022, le contrat conclu entre les parties, un contrat d’adhésion rédigé par le prestataire informatique, n’était pas suffisamment clair et devait être interprété, en ce qui concerne en particulier les prestations de maintenance, contre l’éditeur et en faveur du client. 

Ainsi, la Cour retient que le client était libre de confier la maintenance du logiciel à un autre prestataire, de sorte que l’éditeur devait « lui livrer un logiciel susceptible de faire l’objet d’une maintenance par un tiers », ce « dans le but de permettre l’utilisation du logiciel conformément à sa destination ».

À cet égard, l’arrêt retient que, faute de définition contractuelle de ce qu’il fallait entendre par « destination » du logiciel, le client devait être libre de faire évoluer le programme « afin que celui-ci puisse continuer à remplir pleinement sa fonction au sein de l’entreprise qui l’utilise, sans pour autant créer un autre produit ».

Et, en l’occurrence, les juges ont estimé que « la communication du code source était indispensable à la maintenance du logiciel qui a été fourni [au client] ou à l’interopérabilité pour les besoins de son activité exclusivement, conformément à la destination du logiciel ». 

L’éditeur a donc été condamné a remettre « un exemplaire exploitable et compréhensible par un homme du métier du code source du logiciel (…) dans un délai de 8 jours et sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard ».

Il est également intéressant de relever que la Cour a débouté l’éditeur de sa demande reconventionnelle tendant à la condamnation de son client pour contrefaçon de droits d’auteur au motif qu’il aurait modifié le logiciel vendu. Selon l’arrêt, l’éditeur n’a pas démontré que cette modification « ne correspond[ait] pas à une simple amélioration dans le seul but de permettre l’utilisation du logiciel conformément à sa destination, y compris pour corriger des erreurs ».

Cette décision est donc favorable au client qui se porte acquéreur d’un logiciel non fonctionnel et non conforme à sa « destination ». L’on retient également, et c’est ici essentiel, que les termes du contrat de licence sont fondamentaux et qu’une bonne rédaction permet d’éviter bon nombre d’incertitudes.