Nullité de la marque "GIANT" de Quick pour désigner des burgers

Par un arrêt du 3 juillet 2018, la Cour d'appel de Paris a confirmé un jugement du Tribunal qui avait prononcé l'annulation de la marque "GIANT" déposée par la fameuse enseigne de burgers Quick, pour défaut de caractère distinctif.

Cette décision a été rendue dans le cadre d'une affaire opposant Quick à Sodebo, laquelle avait commercialisé une pizza sous la dénomination "PIZZA GIANT SODEBO" et déposé la marque correspondante en 2011. Quick considérait que ce nom portait atteinte à ses droits antérieurs sur la marque internationale "GIANT" visant la France, datant de 2006 - sachant que Quick détient également une marque "GIANT" en France depuis 1986, mais comprenant le visuel d'un burger.

Pour sa défense, Sodebo avait soulevé la nullité de la marque "GIANT" de Quick pour défaut de caractère distinctif. L'on sait que, pour être valable, une marque ne doit pas être la désignation nécessaire d'une caractéristique d'un produit ou d'un service visé dans le libellé. Or Sodebo soutenait que le terme anglais "GIANT", compris par les consommateurs français comme signifiant "GÉANT", désignait une caractéristique des burgers ainsi dénommés.

L'argument a fait mouche auprès du Tribunal et, comme indiqué ci-dessus, auprès de la Cour, qui retient qu'"à la date du dépôt de la marque, [le terme était] nécessairement compris du consommateur francophone de produits alimentaires et de restauration, en particulier d'articles de fast-food, comme signifiant géant et, par extension, énorme et que ce signe désignait ainsi une caractéristique des produits désignés par la marque, en l'espèce leur quantité".

Il est intéressant de relever que l'argument soulevé par Quick, tendant à faire reconnaître à la marque un caractère distinctif acquis par l'usage en raison de son exploitation "intensive", n'a pas été retenu par la Cour. Les juges ont estimé en effet que les preuves soumises n'étaient pas suffisantes. Selon l'arrêt, "la preuve n'est pas suffisamment rapportée que le signe 'Giant' ait été alors connu et identifié par le public pertinent, consommateur de produits alimentaires, en tant que marque et non comme une caractéristique quantitative des produits vendus".

Cet argument peut surprendre (au moins tous les amateurs de junk food). Le "Giant" de Quick est en effet (presque) aussi célèbre que le "Big Mac" du concurrent américain. Néanmoins, la difficulté en l'espèce provenait peut-être des éléments soumis à la barre, en l'occurrence des publicités dans lesquelles le terme "GIANT" était associé à d'autres mots, ce qui donnait "GIANT LOVE", "GIANT MAX" ou encore "GIANT BAR". Il est difficile d'imaginer comment Quick n'a pas pu produire de publicités antérieures à 2011 concernant le "Giant" en tant que tel... Une nouvelle illustration qu'un dossier se gagne (ou se perd) avant tout sur les pièces !

Au final, Quick a perdu sur toute la ligne, puisque, non seulement sa marque a été annulée, mais le grief de concurrence déloyale a aussi été rejeté, et elle a été condamnée à 15.000 euros d'article 700 du Code de procédure civile.  

En revanche, Sodebo a été déboutée de sa demande (car nouvelle en cause d'appel) tendant également à l'annulation de l'ancienne marque "QUICK". Maigre consolation.