Guerre des biscuits : ChocOlé ne contrefait pas Mikado
Difficile de rendre compte de cette décision de la Cour d'appel de Paris, qui date du 9 mars 2018, sans avoir envie de croquer un biscuit ! L'arrêt a en effet été rendu dans une affaire opposant deux fabricants de produits très appréciés des enfants (et des plus grands), à savoir, d'une part, les fameux "Mikado", exploités par la société Glico, du groupe Mondelez, et, d'autre part, les ChocOlé de la société allemande De Beukelaer.
En l'occurrence, Glico reprochait à De Beukelaer de s'être un peu trop inspirée de ses "Mikado" et d'avoir fabriqué et commercialisé des biscuits "ChocOlé" contrefaisants. Il est vrai que, dans les deux cas, les biscuits présentent certaines ressemblances : le fameux "Mikado" est un bâtonnet au bout arrondi et nappé de chocolat, tandis que le "ChocOlé" est lui aussi un bâtonnet nappé, mais présenté de manière torsadée.
Deux photographies valent mieux qu'une longue description hasardeuse :
Maintenant vous avez faim ! Mais nous n'avons pas encore abordé les aspects de droit de la propriété intellectuelle de cette affaire. En l'occurrence, Glico se plaignait à titre principal d'actes de contrefaçon de marque. La société est en effet titulaire de deux marques relatives au biscuit "Mikado", les deux marques représentant le biscuit (l'une dans sa version classique, l'autre dans une version spiralée). Glico prétendait donc que ces deux marques avaient été imitées par la forme du biscuit "ChocOlé".
À titre préalable, la Cour a dû analyser la demande reconventionnelle formulée par De Beukelaer tendant à l'annulation des marques de Glico pour défaut de caractère distinctif. En l'occurrence, la Cour a considéré, s'agissant de ces signes, qu'ils étaient bien valables : "la marque tridimensionnelle n°3 386 825, qui est constituée de la forme d'un bâtonnet aux bouts arrondis et qui est recouverte de chocolat à l'exception d'un des embouts qui laisse apparaître une tige beige-jaune, est arbitraire au jour du dépôt et trouve par là même sa fonction distinctive".
La Cour a rejeté l'idée selon laquelle la marque serait tributaire de la fonction du produit (en l'occurrence un bâtonnet dont une partie n'est pas nappée de chocolat pour que l'on puisse le saisir). Elle a fort justement considéré que les biscuits ne présentaient pas généralement ce type de forme élancée : quand la distinctivité s'apparente à l'originalité...
Naturellement, s'agissant d'une potentielle contrefaçon par imitation, Glico a dû s'attacher à rapporter la preuve d'un risque de confusion, lequel a été écarté en l'espèce. Selon la Cour, de manière peut-être un peu lapidaire, chacun jugera, "la faible similitude entre les signes en cause pris dans leur ensemble exclut tout risque de confusion pour le consommateur d'attention moyenne". La Cour a en outre assis son raisonnement sur le fait que les biscuits litigieux étaient (et sont) vendus sous la marque "ChocOlé", laquelle exclurait tout risque de confusion.
Sur le plan probatoire, la Cour n'a pas tenu compte d'un sondage produit par Glico, selon lequel 37 % des personnes interrogées (seulement) considéraient que les deux biscuits se ressemblaient.
Peine perdue en ce qui concerne la contrefaçon, mais également en ce qui concerne le grief formulé sur le fondement du parasitisme pour se plaindre du conditionnement des biscuits. La Cour rejette l'idée selon laquelle l'opposition entre rouge (pour chocolat noir) et bleu (pour chocolat au lait) serait appropriable par Glico. De même, elle considère que la présentation des biscuits diffère (entre la représentation d'un jeu de mikado pour les "Mikado" et la représentation par paire dans un "mouvement tournant" pour les "ChocOlé"). Les juges ont également retenu la différence d'ouverture des boîtes respectives pour exclure le parasitisme.
La lecture de cette décision peut laisser circonspect : pourquoi avoir agi sur le fondement du droit des marques alors que le risque de confusion était effectivement contestable ? Pourquoi avoir invoqué des actes de parasitisme en ce qui concerne le seul conditionnement ? On aurait pu imaginer Glico, capitalisant sur la notoriété du "Mikado" (pour ne pas parler de la renommée des marques - rejetée ici), invoquer une imitation du biscuit en lui-même et l'économie réalisée par sa concurrente dans la conception du biscuit.
Parfois, le droit des marques n'est pas le meilleur fondement juridique, le recours aux règles classiques de la responsabilité civile pouvant apparaître plus souple et plus à-même de mettre fin à certains comportements suiveurs ! A méditer en savourant un "Mikado"...