Rent a Car ne parvient (finalement) pas à faire reconnaître la validité de sa marque.
Nous avions rendu compte, en juin 2017, d’un arrêt de la Cour de cassation rendu dans une affaire opposant les deux sociétés de location de véhicules, Enterprise (Citer), d’une part, et Rent a Car, d’autre part. Dans ce litige, Rent a Car reprochait à son concurrent d’avoir déposé une marque « ENTERPRISE RENT A CAR » alors qu’elle prétendait disposer de droits sur une marque antérieure « RENT A CAR » et invoquait donc des actes de contrefaçon.
Las, le Tribunal de grande instance, puis la Cour d’appel de Paris avaient chacun débouté Rent a Car de ses demandes au motif, notamment, que la marque « RENT A CAR » était dépourvue de caractère distinctif. En l’occurrence, les juges avaient considéré que le public français moyen comprenait que l’expression « RENT A CAR » signifiait en anglais « LOUER UNE VOITURE », de sorte que ce signe était insusceptible de distinguer les services de location de la société Rent a Car de services concurrents.
La Cour de cassation, toutefois, à la suite du pourvoi formé par Rent a Car, avait reproché à l’arrêt d’appel de ne pas avoir répondu aux arguments de l’appelante concernant un hypothétique caractère distinctif qui aurait été acquis par l’usage intensif de la marque « RENT A CAR ». L’arrêt avait donc été cassé et l’affaire renvoyée devant la Cour d’appel de Paris, autrement composée, devant statuer sur renvoi après cassation.
Le dénouement de cette affaire vient peut-être de se produire avec un arrêt du 15 janvier 2019 de la Cour d’appel de Paris, qui a confirmé l’arrêt d’appel et considéré que la marque « RENT A CAR » n’avait pas de caractère distinctif au moment de son dépôt et n’en avait pas acquis non plus par l’usage.
La (très) longue décision est intéressante, car la Cour d’appel prend soin (afin d’éviter une éventuelle cassation) d’analyser dans le détail les pièces versées aux débats par Rent a Car. L’arrêt relève ainsi que Rent a Car « démontre à suffisance (…) qu’elle a fait un usage intensif de sa marque », qui est toutefois une marque semi-figurative, c’est-à-dire un élément verbal (les mots « RENT A CAR ») associé à un élément graphique.
La Cour estime toutefois que, parce que de nombreux concurrents font usage de l’expression « RENT A CAR » dans leurs marques ou leurs dénominations sociales, que ces termes ne sont pas distinctifs et qu’au sein de la marque évoquée, seuls les éléments graphiques le sont :
« eu égard à ces éléments qui montrent un usage très répandu des termes descriptifs « rent a car » dans le secteur de la location de véhicules, à l’absence totale de distinctivité intrinsèque de la marque verbale invoquée, au fait qu’au sein de la marque (…) dont l’usage intensif est démontré, seuls les éléments figuratifs (…) sont distinctifs (…), la société RENT A CAR ne démontre pas que, malgré l’usage intensif qu’elle a fait de sa marque semi-figurative englobant sa marque verbale, cette marque verbale est devenue apte, dans l’esprit du consommateur moyen de la catégorie des produits en cause, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à identifier les produits et services désignés à son enregistrement comme provenant de la société RENT A CAR ».
Pourtant, Rent a Car versait aux débats un sondage démontrant que sa marque (ou son nom…) avaient une certaine notoriété en France, cependant insuffisante aux yeux de la Cour, puisqu’elle n’arrivait qu’en cinquième position derrière Hertz, Avis et consorts. Les juges en retiennent une « notoriété relative », empêchant de conférer un caractère distinctif à cette marque.
Un enseignement de cette décision tient au fait que le dépôt d’une marque semi-figurative (avec un logo) ne peut pas toujours “sauver” un élément verbal descriptif des produits ou services en cause. En d’autres termes, si l’élément verbal n’est que générique ou descriptif, alors il sera difficile de l’opposer à des tiers qui l’exploitent également - sauf évidemment à rapporter la preuve d’un caractère distinctif acquis par l’usage. Et l’on pense alors à la jurisprudence « VENTE-PRIVEE », qui avait fini par reconnaître le caractère distinctif de la marque, mais, il est vrai, au regard d’une notoriété sans commune mesure dans le domaine du commerce électronique (et pourtant cette marque vient d’être abandonnée !).
L’une des questions soulevées à la suite de l’arrêt de la Cour de cassation trouve une réponse par cet arrêt, à savoir que l’usage intensif d’une dénomination sociale ou d’un nom commercial ne peut pas, semble-t-il, permettre de conférer un caractère distinctif à une marque de base descriptive (le contraire eût été étonnant).
La procédure se solde donc par un lourd échec pour Rent a Car, qui perd également sur le fondement de la concurrence déloyale, et qui devra donc (à moins d’un pourvoi) faire son deuil de défendre l’expression « RENT A CAR » contre des usages par des concurrents… Ce qui ne l’empêche pas, évidemment, d’utiliser cette expression pour son activité.