Nullité de la marque « VENDEZVOTREVOITURE.FR » pour défaut de distinctivité
Pour être valable en tant que marque, un signe doit être « distinctif », c’est-à-dire qu’il doit être apte à distinguer les produits et services qui en sont revêtus des produits et services de concurrents.
La règle, énoncée à l’article L. 711-2 du Code de la propriété intellectuelle, relève a priori de la pure logique : comment se faire reconnaître par le public si sa marque ne fait que décrire une caractéristique de son produit ou de son service ?
Et pourtant, la tendance, depuis plusieurs années, consiste à tenter de s’approprier des noms ou des adjectifs que l’on peut qualifier de génériques, comme en témoigne par exemple la saga « Vente-Privée.com » qui a animé les cours et les tribunaux pendant un temps.
Et cette « mode » n’est pas terminée. Le contentieux tranché par la Cour d’appel de Versailles le 30 avril 2020 dans l’affaire « VENDEZVOTREVOITURE.FR » en est une nouvelle illustration.
La procédure opposait deux sociétés concurrentes, Autobiz et WKDA, exploitant chacune un site internet de vente de voitures d’occasion, respectivement « Autobiz » et « VendezVotreVoiture.fr », ce dernier signe ayant fait l’objet d’un dépôt de marque en France auprès de l’INPI.
En l’occurrence, le litige était né de la réservation par WKDA du mot-clé « autobiz » dans le cadre du programme de référencement payant Adwords de Google, Autobiz considérant qu’il s’agissait là d’actes de concurrence déloyale. En outre, Autobiz avait soulevé la nullité de la marque « VENDEZVOTREVOITURE.FR » pour défaut de caractère distinctif.
En première instance, le Tribunal de Nanterre avait rejeté la demande formulée au titre des actes de concurrence déloyale (sans grande surprise) et avait en revanche reçu l’action en nullité de la marque.
En appel, de manière intéressante, WKDA soutenait que son concurrent n’avait pas d’intérêt à agir en nullité de cette marque qui ne lui était pas opposée et qui, selon elle, n’entravait pas son activité.
Néanmoins, la Cour d’appel de Versailles a estimé que la société Autobiz avait bien un intérêt à agir en nullité de cette marque puisqu’elle pouvait valablement chercher à utiliser les termes « vendez votre voiture » dans le cadre de ses activités.
Sur le fond, la Cour confirme que la marque « VENDEZVOTREVOITURE.FR » n’est pas distinctive eu égard aux produits et services visés dans l’acte d’enregistrement.
La Cour rappelle tout d’abord que l’enregistrement de la marque par l’INPI ne présume en rien de sa validité, ce qui est exact. Même s’il porte notamment sur le caractère distinctif du signe, le contrôle de validité de la marque opéré par l’INPI reste assez superficiel et ne remplace pas un contrôle judiciaire.
Par ailleurs, et surtout, la Cour analyse le degré de distinctivité du signe au regard des produits et services visés et en déduit que, pour chacun d’eux, le consommateur moyen percevra le signe comme une simple adresse de site internet lui permettant de vendre sa voiture en ligne.
Ainsi, tant pour ce qui concerne les produits de la classe 12 (automobiles) que les services des classes 35 (publicité), 36 (services financiers), 39 (transports) et 42 (contrôle technique), la marque devait être annulée dès lors qu’elle désignait une caractéristique du produit ou du service concerné.
A vrai dire, si la solution s’imposait effectivement pour la plupart des services, ce n’était pas nécessairement le cas pour d’autres. Par exemple, on peut discuter du point de savoir si le signe « VENDEZVOTREVOITURE.FR » se rattache à la publicité en ligne.
Cette décision est en tout état de cause un nouvel avertissement pour les déposants, afin de les inciter à définir une vraie stratégie en cas de dépôt de marque. Si le signe n’est que faiblement distinctif, il existe différents moyens de contourner l’obstacle.