Pas d’atteinte au droit à l’image et au droit au respect de la vie privée en cas de participation « active et de bonne grâce » à une séance photographique
Par un arrêt du 22 juillet 2020, la Cour d’appel de Paris a rendu une décision intéressante sur la question du respect du droit à l’image et du droit de la vie privée. Dans cette affaire, une famille composée de deux parents et deux enfants mineurs s’était vu proposer des entrées gratuites au Jardin d’Acclimatation dans le Bois de Boulogne afin d’y être pris en photographies par un professionnel sélectionné par la société d’exploitation du parc.
Les photographies, sur lesquelles on voyait la famille en train de participer aux différentes attractions, ont ensuite été mises en ligne sur le site du Jardin d’Acclimatation. Et les parents, agissant tant pour eux-mêmes que dans l’intérêt de leurs enfants, ont alors réclamé le retrait des images en prétextant une absence d’autorisation d’exploitation de ces clichés.
Selon les demandeurs, « il est possible de consentir tacitement à la fixation d'images sans pour autant accepter la diffusion ou l'exploitation commerciale de celles-ci ». Et c’est précisément ce qui était reproché au Jardin d’Acclimatation, qui n’aurait visiblement pas fait signer d’autorisation expresse d’exploitation. Les membres de la famille arguaient du fait que l’autorisation tacite de fixation n’emportait pas d’autorisation de faire usage des clichés.
En première instance, devant le juge des référés, leur argumentation a porté ses fruits puisque le Jardin d’Acclimatation s’est vu enjoindre de retirer les photographies et de verser une indemnisation provisionnelle aux demandeurs.
Cependant, en appel, la solution radicalement opposée est retenue. Selon l’arrêt, il n’existe certes aucune autorisation expresse d’exploitation des clichés. Toutefois, au vu de certains éléments produits, la Cour en déduit que le Jardin d’Acclimatation avait « manifestement » pu en déduire un accord tacite d’exploitation.
La solution, qui semble se reposer sur la notion d’apparence, laisse songeur, pour au moins deux raisons.
D’une part, certains éléments retenus pour en tirer un accord tacite paraissent hors de propos, qu’il s’agisse de la participation « de bonne grâce » aux attractions ou encore du retrait des entrées gratuites… A l’évidence, si les entrées n’avaient pas été retirées, il n’y aurait pas eu de litige puisque la famille n’aurait pas participé à la séance. Mais cela n’implique pas d’autorisation d’exploitation des clichés. Et qu’aurait décidé la Cour si les enfants avaient fait la tête sur les photographies ?
Plus sérieusement, l’arrêt évoque un « formulaire d'autorisation gracieuse en référence au shooting du 16 juillet 2018 », dont on ignore le contenu exact à la lecture de l’arrêt et dont on peine à établir la portée, même si l’on comprend qu’il concernait la prise de vues en tant que telles et non leur utilisation.
D’autre part, si la Cour en déduit que l’atteinte à l’article 9 du Code civil et à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme n’est pas établie avec suffisamment d’évidence en référé, on aurait pu, à l’inverse, estimer que l’autorisation tacite alléguée par le Jardin d’Acclimatation n’était, elle, pas suffisamment démontrée. Mais il est vrai qu’il appartient au demandeur de rapporter la preuve de ses prétentions avec suffisamment d’évidence et que la solution contraire aurait pu être interprétée comme une inversion de la charge de la preuve.
La décision est donc remarquable et pourrait rassurer les exploitants d’images sans autorisation en bonne et due forme. Il n’est toutefois pas certain que cette « autorisation tacite » survive à une procédure au fond, même si l’on sait qu’en cette matière il n’existe pas de formalisme spécifique.
D’ailleurs, la solution laisse dubitatif car, même à considérer qu’il y a bien eu autorisation tacite, alors sa durée ne pouvait être qu’indéterminée et, partant, résiliable à tout moment.
En tout état de cause, la prudence ici impose bien à la fois de rédiger un acte écrit, pour ne pas se contenter d’un accord tacite, de toujours bien distinguer entre la fixation des images et leur exploitation subséquente et de prévoir une durée ferme.