Pas d’originalité pour des articles publiés dans le journal La Voix du Nord et reproduits sur Facebook
La société éditrice du journal « La Voix du Nord » s’est plainte de la création d’une page Facebook intitulée « La Void d’Henin », dédiée à l’actualité de la commune d’Hénin-Beaumont et destinée à « réinformer » ses habitants, qui reproduisait certains articles et photographies parus dans le quotidien pour les commenter d’une manière critique.
Invoquant notamment des actes de contrefaçon de marque et de droit d’auteur, mais également de parasitisme et de concurrence déloyale, La Voix du Nord a saisi le Tribunal de grande instance de Paris, qui l’a déboutée de ses demandes sur chacun des fondements invoqués. Concentrons-nous sur les aspects de droit d’auteur, le jugement ayant retenu, de manière notable, l’absence d’originalité des éléments invoqués.
En appel, l’appréciation du caractère original a été réalisée oeuvre par oeuvre. Et la Cour d’appel de Paris, par un arrêt du 22 septembre 2020 (RG n° 18/19018), a confirmé le jugement. Alors que La Voix du Nord invoquait le fait que les articles contenaient « des formules personnelles à leurs auteurs » et révélaient « des choix stylistiques et personnels », la Cour a retenu :
que le premier article consacré à l’élection d’un président d’un syndicat intercommunal était rédigé dans un style « direct et imagé » qui ne révèle toutefois « aucun traitement personnel de l’information ni la sensibilité de l’auteur de l’article ». Les « effets rédactionnels » évoqués relevaient, selon la Cour, de la simple « technique journalistique » et n’étaient pas de nature à conférer au texte une originalité suffisante procédant de l’empreinte de la personnalité de l’auteur ;
que le deuxième article, consacré à l’annulation d’une braderie locale, s’il était marqué d’un « ton » spécifique, relevait lui aussi d’une « technique narrative » et se contentait d’évoquer des données factuelles, en l’absence de tout « traitement personnel de l’information » ;
que le troisième article, relatif lui aux résultats d’une élection locale, était rédigé dans un style rythmé relevant, encore une fois, d’une « technique d’écriture journalistique » et se contentait de rendre compte de faits objectifs.
La solution est remarquable de sévérité, car elle restreint de manière drastique la possibilité pour un texte journalistique de bénéficier de la protection par le droit d’auteur. Tous les articles de presse ne concourent certes pas au Pulitzer, mais on pourrait en théorie imaginer qu’un certain style puisse leur permettre d’accéder au bénéfice de la protection littéraire et artistique. Peut-être, mais dans des cas limités, nous enseigne la Cour, puisque le style qui ne procède que d’une « technique » rédactionnelle n’est pas de nature à conférer suffisamment d’originalité.
Par ce raisonnement, la Cour d’appel se place dans la ligne de la jurisprudence qui refuse la protection par le droit d’auteur des oeuvres culinaires et des parfums. La simple « technique », qui relève un savoir-faire, n’est pas éligible au droit d’auteur. Alors, sur quel fondement agir ? Eh bien pas sur celui de la concurrence déloyale ni du parasitisme, si l’on en croit l’arrêt, puisque La Voix du Nord a été déboutée à ces égards également…
Il est à noter que la « sanction » vaut également pour une photographie qui procède, selon l’arrêt, de simples « réglages »… Qu’on se le dise, le droit d’auteur se moque de la technique !