L'interprétation stricte des cessions de droits d'auteur n'exclut pas l'application des règles générales d'interprétation des contrats.
La Cour d'appel de Douai a rendu le 21 octobre dernier une très intéressante décision en matière de propriété littéraire et artistique. L'affaire opposait deux auteurs d'un ouvrage de photographies, qui avaient cédé leurs droits d'auteur à une société d'édition et reprochaient à cette dernière d'avoir fait imprimer des affiches exposées à la vente dans une boutique de design basée à Lille.
Selon les auteurs, le principe d'interprétation stricte des cessions de droits d'auteur s'opposait à ce que leur éditeur pût faire réaliser de telles impressions pour les exposer dans une boutique.
Le Tribunal en première instance et la Cour d'appel ne furent pas, toutefois, de cet avis. La Cour, rappelant que les principes généraux d'interprétation des contrats devaient s'appliquer aux cessions de droits d'auteur, en ce compris l'exigence de bonne foi, devait aboutir au rejet des prétentions des deux auteurs.
La Cour énonce notamment que l'ancien article 1135 du Code civil, selon lequel "les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l'équité, l'usage ou la loi donnent à l'obligation d'après sa nature', est applicable au contrat d'auteur."
Ainsi, s'agissant de l'impression des oeuvres, la Cour a considéré qu'elle était visée dans la cession du droit de reproduction prévue par le contrat. Selon l'arrêt, "les auteurs ont cédé à l'éditeur l'ensemble des droits patrimoniaux, notamment le droit de reproduction et les droits d'utilisation secondaire et les droits dérivés afférents à l'oeuvre", ce qui impliquait notamment "le droit d'exploiter tout élément de l'ouvrage 'pour donner forme à tout objet ou marchandise, susceptible d'être exploité dans le commerce et la publicité sous diverses formes", dont "l'autorisation d'extraire une ou plusieurs photographies issues de l'ouvrage pour une exploitation commerciale séparée".
Toute interprétation contraire, selon la Cour, reviendrait "à dénaturer le contrat ou lui enlever tout effet".
De même, s'agissant de l'exposition des affiches, elle met en oeuvre le droit de représentation, qui a lui-même été cédé à la société d'édition, laquelle bénéficiait du "droit de présenter et communiquer au public tout ou partie de l'oeuvre ou de ses adaptations et traductions, en toute langue, par tout procédé actuel ou futur de communication au public".
La Cour considère alors que :
"lors de l'exposition dans la boutique Memento Mori, la société Ankama Editions a communiqué et mis à la disposition du public les éléments de l'ouvrage par un moyen classique de communication, une exposition ouverte par un vernissage auquel les auteurs ont participé, l'éditeur prenant en charge les dépenses liées aux tirages des photographies exposées et à l'organisation du vernissage, outre la commission versée à la boutique, dépenses justifiées auprès des auteurs".
L'arrêt déboute également les auteurs en ce qui concerne leur demande au titre du droit moral, notamment du fait qu'il avaient participé à la sélection des photographies et n'avaient émis aucune contestation.
Cette solution est intéressante. Si elle ne remet pas en cause le principe d'interprétation stricte des cessions de droits d'auteur, elle refuse de valider les interprétations trop restrictives ou de mauvaise foi des auteurs, qui empêcheraient un éditeur de pouvoir exploiter l'oeuvre dont il détient les droits.