Pas de risque de confusion entre deux signes à la distinctivité faible
Si, sur un plan purement marketing, il peut être intéressant d’exploiter un nom plus ou moins générique, qui sera facile à retenir par le consommateur, il faut en revanche avoir conscience des difficultés que cela implique sur le plan juridique, lorsqu’il s’agit de défendre ce signe au regard de marques ou de noms commerciaux plus ou moins similaires.
En effet, un signe purement générique ne pourra pas être protégé en tant que marque, faute de distinctivité. Et un signe faiblement distinctif verra lui aussi sa protection amoindrie, même face à un autre signe très proche et même pour une exploitation pour des produits ou des services identiques ou similaires.
La jurisprudence en la matière est assez pléthorique et une décision rendue le 6 octobre dernier par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence illustre à nouveau ce point. En l’occurrence, l’affaire opposait deux sociétés utilisant chacune le signe « BIO POOL ». La société BIO POOL, titulaire d’une marque du même nom, reprochait à un tiers l’usage de l’expression « BIO POOL TECH ».
En première instance comme en appel, son action n’a pas prospéré, précisément en raison du caractère faiblement distinctif du signe « BIO POOL ». Selon la Cour, cette expression est aisément compréhensible par le consommateur comme se référence à une « piscine biologique », ce qui ne lui confère qu’une distinctivité très relative, insusceptible de la protéger contre des utilisations par des tiers :
« Concernant la comparaison entre les signes, il convient de constater que si ceux ci partagent la même entame, à savoir le syntagme BIO POOL, cette entame est très faiblement distinctive ; malgré cette similitude phonétique des entames, le risque de confusion pour le consommateur est inexistant. »
Plus précisément, la Cour retient ici qu’il existe une différence visuelle importante, puisque les signes disposaient chacun d’une présentation particulière, limitant encore davantage le risque de confusion, au point de l’exclure totalement :
« les marques BIO POOLTECH et BIOPOOLDISTRI disposent d'une calligraphie très particulière, une lettre O cerclée et une couleur bleue, qui évoque incontestablement l'univers de la piscine et retient de ce fait nécessairement l'attention du consommateur ».
Il faut en déduire que, lorsque deux signes sont identiques ou similaires mais faiblement distinctifs, alors l’attention du consommateur sera attirée par d’autres éléments, comme par exemple, une forme spécifique, la présence d’un logo ou bien d’un autre terme susceptible, lui, d’être retenu, mémorisé.
On relèvera également que la Cour refuse de prononcer la nullité de la marque « BIO POOL TECH » pour atteinte au nom commercial et au nom de domaine antérieurs « BIO POOL », encore une fois en raison du caractère très évocateur de l’expression :
« les termes BIO POOL pour désigner des activités dans le secteur des piscines et de leur conception ou entretien sont particulièrement évocateurs, et l'attention du consommateur ne s'attachera en conséquence pas véritablement à ceux ci pour déterminer la provenance des produits ou services proposés ».
L’arrêt indique bien que c’est l’absence de caractère distinctif du signe en question qui empêche les consommateurs d’attribuer une origine aux produits ou aux services visés.
Et c’est encore cette absence de caractère distinctif qui empêche toute condamnation sur le fondement de la concurrence déloyale, en l’absence de risque de confusion dans l’esprit du public, ce alors que les produits ou services en cause relevaient certes du même domaine, mais n’étaient pas identiques.
« La responsabilité extra contractuelle fondée sur des agissements déloyaux tels que l'utilisation de marques, noms de domaines ou tout autre signe nécessite de caractériser un risque de confusion induit par ces pratiques ; pour les motifs exposés plus haut, les agissements de la société BIO POOL TECH n'ont pas généré chez le consommateur un risque de confusion au préjudice ce la société BIO POOL. »
En somme, faut-il choisir une expression évocatrice, voire générique, pour tenter d’occuper le marché ? Ou bien opter pour une expression plus originale et, partant, plus facile à défendre ? Du point de vue du juriste, la réponse à cette question est facile. Probablement moins pour le spécialiste en marketing !