Les décorations de Noël sur les Champs Elysées sont originales mais non contrefaites par Lindt.

Chaque année, les Champs Elysées à Paris sont décorés avec des illuminations en célébration des fêtes. Un Comité est chargé de l'animation de l'avenue et, dans ce cadre, de l'élaboration et la pose de ces décorations, qui sont notamment accrochées dans les arbres.

En novembre 2019, le Comité des Champs Elysées avait constaté que la société chocolatière Lindt utilisait, pour les besoins d'une campagne promotionnelle, une représentation d’illuminations dans des arbres, dont il considérait qu’il s’agissait d’une représentation d’une version des décorations lumineuses qui avaient orné l'avenue entre 2014 et 20187, à savoir une version dite "Scintillance". Le Comité avait fait dresser un constat d'huissier de la campagne en cause et assigné Lindt en référé pour contrefaçon. Il n'avait toutefois pas obtenu gain de cause, Lindt ayant cessé la campagne en cause à titre conservatoire.

Une action judiciaire au fond s'en était suivie, le Comité réclamant la condamnation de Lindt pour contrefaçon de droit d'auteur et/ou parasitisme. Par un jugement du 16 mai 2024, il a toutefois été débouté de l'ensemble de ses prétentions.

Certes, le jugement reconnaît aux décorations de Noël en cause la protection par le droit d'auteur, du fait à la fois de la composition des jeux de lumière, le positionnement des guirlandes lumineuse dans le sens des branches ascendantes et donnant l'impression d'une flûte de champagne, tout au long de l'avenue.

Selon le jugement, il est rapporté la preuve "d'éléments d'expression établissant l'existence de l'oeuvre originale revendiquée, portant l'empreinte de la personnalité de son auteur." Cette solution n'est pas surprenante, car l'originalité peut se nicher partout, y compris dans des décors ou des illuminations, notamment dans des éclairages de monuments, selon un arrêt de la Cour d’appel de Lyon de 2021.

En revanche, s'agissant de la contrefaçon, les juges ont considéré que la prise de vue qui figurait dans la publicité pour les chocolats Lindt ne reproduisait pas l'oeuvre revendiquée. Selon le jugement,

"les éléments visuels démontrent que l'alignement des arbres comme un ensemble de flûtes de champagne surmontées de mousse n'est pas reproduit", de sorte que "les caractéristiques originales de l'oeuvre ne sont pas reproduites et la contrefaçon alléguée n'est pas démontrée".

De même, s'agissant de la "concurrence déloyale et parasitaire", alors que le demandeur évoquait des actes d'ambush marketing et revendiquait une "grande renommée" au titre de ses "illuminations qualitatives et prestigieuses" depuis une vingtaine d’années, le jugement considère pour sa part, très prosaïquement, que la vidéo litigieuse diffusée par Lindt ne reproduit pas les illuminations de l'avenue des Champs Elysées et que, par conséquent, aucun acte de parasitisme n'est constitué :

"Rien ne prouve, en l'état des pièces versées aux débats, que les illuminations [litigieuses] sont issues d'une prise de vue ou d'une reproduction des illuminations conçues pour le Comité des Champs Elysées".

La solution peut se comprendre et rappelle un jugement assez ancien du Tribunal de grande instance de Paris rendu à propos de la reproduction (ou non) d’un moule en plâtre de la coupole du BHV (TGI Paris, 9 mars 2005) :

"(sous) la reproduction incriminée (...) figure le même dôme sous un angle un petit peu différent mais surtout sans dessin précis des détails architecturaux et en une couleur blanche ombrée en vert qui contraste avec un ciel bleu traversé de nuages blancs ;

qu'ainsi il n'est pas établi que la figuration abstraite de la matière sous forme d'un plâtre monochrome soit reprise par l'œuvre seconde, laquelle, à l'évidence, ne reprend pas le contraste entre réalisme soigné des volumes et unité de la matière ni l'unité de ton entre le ciel et les éléments architecturaux"

Le commentateur restera en revanche davantage circonspect en ce qui concerne le moyen selon lequel "les modalités de financement [du Comité] ne relèvent pas du droit de la responsabilité civile", ce qui ne semble pas avoir de sens (ou aurait mérité des explications).

Au final, on relèvera que le montant de l'article 700 du Code de procédure civile, fixé à 8.000 euros, a été déterminé "en équité à défaut de justificatif ou d'accord des parties sur son montant". Il est douteux qu'un jour des parties à un procès puissent s'entendre sur le montant de l'indemnité de procédure !